vendredi 3 juin 2016

Louis et les carrières


Louis
Marie fait la connaissance de Louis au printemps 1906 à Maljasset. Quand la neige fond, quand les températures deviennent enfin raisonnables, la carrière est à nouveau accessible et les employés  retournent au travail. La haute vallée de l'Ubaye s'anime.
Louis est responsable d'exploitation dans les carrières de l'entreprise Dervillé.
A la fin du printemps, comme chaque année, il arrive à Maurin. Louis, le solitaire, qui transporte sa valise de carrière en carrière dans le sud de la France, vit de grands moments de joie cette année-là. Il restera attaché à Marie, et lui écrira jusqu'en 1911, en évoquant fréquemment les souvenirs inoubliables qu'il a partagés avec elle et avec leurs amis communs de Maljasset. En 1911, il lui offrira l'album de cartes postales dans lequel sont rangées les cinq cents cartes que Marie a collectionnées et rangées par thématique.
Présent par ses correspondances, Louis lui a, de nombreuses fois, manifesté son amitié, mais ils ne se sont jamais revus.



Le site de la carrière de Maurin, à gauche l'église de Maljasset DR


Les carrières
A la fin du XIXe siècle, David Martin, un contemporain de François Arnaud, écrivait : « La haute vallée de l'Ubaye est riche, très riche en marbres. Les marbres gris pâle, bleus, rouges, rubanés, brèches, verts ou serpentineux y abondent en telle quantité qu'on pourrait appeler cette vallée, la vallée des marbres. Tous ceux qu'on y a employés pour les portes, les fenêtres des maisons, pour les beaux portails des églises, comme aussi pour la construction des forts, proviennent des blocs erratiques devenus très rares aujourd'hui.»
François Arnaud décrit ainsi l'activité de la haute vallée liée à l'exploitation des carrières :  « En face de Maurin, dans le vallon de Mary, se trouve la carrière en exploitation de ce beau marbre serpentineux vert et blanc qui donne un air si riche au grand escalier de l’Opéra à Paris. Les blocs, sciés à la hâte pendant les mois de juin à septembre, sont voiturés avant la fin septembre jusqu’à Saint-Paul, puis en octobre jusqu’à Barcelonnette, et de là, tout l’hiver, jusqu’à la gare de Prunières. Quand on a suivi une fois cette route de trois mètres de largeur, avec des pentes énormes, on se demande comment les lourds camions peuvent y traîner les blocs d’un mètre cube et plus. A chaque pas, la dégringolade dans le torrent est imminente ; mais les chevaux sont solides, les charretiers vaillants et depuis 1852 que ces carrières sont régulièrement exploitées, il n’y a pas eu d’accident grave. »

Le transport des blocs de marbre, carrière de Maurin DR

La carrière de marbre vert de Maurin est située sur la commune de Saint-Paul-sur-Ubaye, au-dessus de Maljasset, à côté du hameau de Combe-Brémond, à plus de 2000 mètres d'altitude. Elle possède un filon de 200 m de long et de 50 m de large.  

L'entreprise Dervillé
Après l'exploitation du gisement de la Blave, de 1838 à 1890 par trois concessionnaires successifs, la société Dervillé & Cie fit tout son possible pour que la carrière lui soit concédée lors du renouvellement du bail Gassier en 1890. L'exploitation de la Blave fut suspendue de toute activité et la firme se concentra sur le gisement de l'Alpet dans le vallon de Mary. Le matériel d'exploitation fut peu à peu modernisé pour économiser la pierre. Ce ne fut qu'en 1897 que l'on put voir des machines capables de se contenter du peu d'eau du torrent voisin. On commença alors à utiliser le fil hélicoïdal pour entamer le rocher.    
La société Dervillé & Cie fut concessionnaire de la carrière jusqu'en 1940, employant jusqu'à une centaine d'ouvriers. (Source : Sabença de la Valèia)
Charles Guyot représentait la société Dervillé dans la négociation de cette concession. Il a travaillé dans cette entreprise de 1887 à 1908. La société Dervillé exploitait des carrières au  Tholonet (Bouches-du-Rhône), à Maurin, à Caunes Minervois (Aude), dans la Vallée de l'Aure (Hautes-Pyrénées), à Saint-Girons (Ariège) en  France, et aussi en Italie, en Belgique, en Tunisie et en Algérie. Après 1908, elle continua de s'intéresser aux carrières de Maurin ; elle obtint une concession de 18 ans, puis en 1926, une nouvelle concession d'une durée de 30 ans qui fut suspendue le 17 mars 1940 à cause des hostilités.
A cette époque, le chef de chantier était toujours un Guyot. C'était Louis, - le petit fils de Charles -, l'ami dont Marie avait fait la connaissance à Maljasset en 1906.  Les carrières françaises de la Société Dervillé, dont celles de Sainte-Victoire au Tholonet, furent dirigées par trois générations successives de la famille Guyot : Charles, Marius et Louis.

Carrière de marbre de Maurin, photo de groupe, Louis au premier plan, DR

Jusqu'à la guerre de 14/18, le transport des blocs se faisait sur des charrettes avec un attelage de plusieurs chevaux, comme l'a décrit François Arnaud plus haut. La guerre a permis le développement du transport par camions. Les chemins devenus des routes, la productivité des carrières s'est améliorée. M. Dervillé est même venu à Maurin en 1937 admirer la compétitivité de son entreprise.

En 1961, la commune de St Paul céda la carrière à la SA Provençale, exploitant de carrières et fabricant de sous-produits, installé à Brignoles, le droit d'exploiter les carrières de marbre vert à Maurin, de marbre vert à Serennes et de marbre noir. Une autre entreprise d'Eyguians (Hautes-Alpes) exploita les débris des carrières pour la fabrication de carreaux à base de ciments colorés. L'activité cessa à la fin de l'été 1969, suite à la rupture de plusieurs passerelles en bois sur la route départementale et à la décision de la direction départementale de l’équipement d'interdire la circulation des camions de plus de 6 tonnes.   

Reproduction de cartes postales ubaye-en-cartes DR

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