Léon
Léon
Léon
Le 10 février 1906
Cher
Léon,
Les
cartes ne suffisent pas. Des bouts de papiers jetés entre les mains
du facteur, qui disent : « Je pense à toi. Affectueuses
pensées ». Ce n'est pas grand chose quand on a tant à se
dire. Mais quel plaisir de les recevoir ! Merci de tout cœur.
Je t'embrasse. Marie
Le
20 février 1906
Marie,
Ma chère Marie,
Je
te remercie pour tes lettres et tes cartes. Comme tu t'en doutes, ces
derniers jours, j'ai été très occupé. Alors j'espère que tu
m'excuseras pour les minuscules signes d'affection que je t'ai
envoyés sur des cartes que tu trouves peut-être mal choisies pour
ta collection. Crois-moi, j'étais débordé. Je voudrais tant te
faire plaisir tout le temps. Je vais me rattraper maintenant que
l'examen va être derrière moi.
A
Banon, il ne fait froid que lorsque le mistral souffle. Il est très
rare que nous ayons de la neige, d'après ce que disent les
habitants. Je n'en pas vue de tout l'hiver mais il n'est pas fini. Je
pense souvent à toi, mon petit oiseau. J'espère que tu as tous les
vêtements nécessaires et assez de bois pour te chauffer. Quand tu
me racontes tes journées, j'ai froid pour toi !
Marie,
je ne t'écris pas pour évoquer le froid de l'hiver, mais pour te
demander ce que ton père t'a dit à Noël et ce qu'il t'a répété
dans sa récente lettre. C'est toi qui avais amorcé la conversation.
Il faut la continuer et me dire la vérité. Comment veux-tu que je
sois serein, que je crois en l'avenir si une telle incertitude
plane ? Comment veux-tu que je fasse comme si de rien n'était ?
Tant que je ne sais rien de définitif, je ne peux qu'espérer que
ton cœur est à moi. Et sois sûre que tu as ma confiance. Dis-moi,
ma chérie. Explique-moi. Peux-tu imaginer comme cette situation est
difficile à vivre pour moi ? Mets-toi à ma place, s'il te
plaît.
Est-ce
qu'on pourrait se rencontrer bientôt ? A Sisteron ? Cela te
plairait-il ? Nos amis nous hébergeraient sans problème. Je t'en
prie, réponds-moi vite et bien, surtout. Je t'embrasse bien
affectueusement. Léon
Ma chère Marie,
Banon-les-Neiges
ne mérite pas cette épithète. Je crois fort que tu n’aies pas la
vue générale, aussi je me fais un plaisir de l’envoyer. L’épreuve
écrite du C.A.P. a été renvoyée au 3 mars. Quel cauchemar !
Mais enfin il faut y passer. En étudiant, ma pensée vole souvent
vers toi ma chérie !
As-tu
reçu ma lettre du 20/2 ? La
raison de la lettre de papa.
Mon cœur et baiser. Léon
Banon
– Jour de fêtes!
Le
28 février 1906
Enchanté
de la carte et de tes aimables perce-neiges.
Aussi, si tu en as une provision, ne pourrais-tu pas m’en cueillir encore quelques-unes ? J’en porte une à la boutonnière. Aussi mes nombreux amis ne cessent de me demander où je l’ai prise. Je leur réponds : « C’est un souvenir de ma ch... ? ». Je pense partir le dimanche 5. Je passerai la journée à Marseille et arriverai à Nice le lendemain.
Aussi, si tu en as une provision, ne pourrais-tu pas m’en cueillir encore quelques-unes ? J’en porte une à la boutonnière. Aussi mes nombreux amis ne cessent de me demander où je l’ai prise. Je leur réponds : « C’est un souvenir de ma ch... ? ». Je pense partir le dimanche 5. Je passerai la journée à Marseille et arriverai à Nice le lendemain.
A
bientôt. Mes amitiés, Léon
Samedi
10 h. soir,
Je
viens d’arriver à Forcalquier. CAP d’instruction civique au
cours moyen. Suis content. Léon
Dimanche 11 mars 1906
Mon
cher Léon,
Quelle
joie d'avoir de tes nouvelles et de se sentir aimée ! J'espère
que tu ressens la même chose. Mon cœur ne fait qu'un bond lorsque
je reconnais ton écriture dans le courrier. Je suis perdue dans ton
emploi du temps. Tant que tu ne me dis pas d'envoyer mes lettres à
une autre adresse, je suppose que tu es à Banon. Il reste un mois
avant les vacances de Pâques.
Tu
avais évoqué notre rencontre à Sisteron ? Léon, comment
vois-tu les choses ? C'est un voyage compliqué pour moi. Il
faut que j'aille à Barcelonnette et de là, que je prenne une
voiture ou un car pour la gare de Prunières, puis le train pour
Sisteron. Je dois en avoir pour une journée de voyage à l'aller et
une autre pour le retour. Si tu connais un moyen plus facile et si tu
sais à quel moment, nous pourrions nous rencontrer en fonction de
ces contraintes, merci de m'en faire part. J'ai très envie de te
voir. Mais j'avoue que je ne sais pas quand ce sera possible à cause
de la durée du voyage. Ou bien, penses-tu que nous devrions attendre
les vacances de Pâques ? C'est loin et nous sommes impatients.
Tu
en sais presque autant que moi sur le sujet dont tu veux que je
parle. Mon père a arrangé mon mariage avec un homme de Seyne qui
vit depuis dix ans au Mexique. Nous nous sommes rencontrés dans le
courant de l'été et il est retourné au Mexique pour régler ses
affaires.
Ma
vie m'est volée. Je suis figée dans mon incapacité à assumer ma
liberté. On a décidé pour moi de mon destin, de mes amours. Je ne
choisis pas et je me laisse faire. C'est absurde. Tu comprends ?
Tu te dis : si elle ne réagit pas, c'est qu'elle accepte. Tu te
dis : elle croit qu'elle a des chaînes, mais c'est elle qui se
les met. N'est-ce pas ? C'est ce que tu penses ? Dans ta
famille, dans ton entourage, les jeunes filles ne sont pas traitées
comme moi. Je sais tout cela. Ne me juge pas trop vite.
Souvent,
tu me poses des questions que je ne me pose pas. Ainsi, tu m'aides à
réfléchir.
Je
suis très souvent découragée à cause de cette histoire.
Heureusement que tu es là, mon ami. Heureusement que mes sœurs sont
présentes. Heureusement que j'aime mon travail à Maljasset. Mon
cher Léon, je vais te quitter pour aujourd'hui. J'espère que je
réponds un peu à tes interrogations.
J'ai
oublié de te féliciter pour ton épreuve. Je suis sûre que tu
l'auras. Tu iras loin.
Je
t'embrasse tendrement, ta Marie
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