Episode 17




Banon, le 27 octobre 1906
Mademoiselle,

Il y a environ deux mois, je voulais, sur les instances de ma mère, vous prier de m’adresser mes lettres et ma photo. J’ai hésité jusqu’à ce jour et je préfère que vous-même en ayez l’initiative. J’ai au moins la satisfaction de m’être conduit honnêtement avec vous, car vous auriez pu croire que j’avais d’autres relations et que je voulais en finir. Seulement, à quoi bon vous le cacher ? Je n’aurais pas tardé à vous annoncer que, malgré mon plaisir de correspondre avec vous, je me voyais dans la nécessité de cesser. Croyez, chère Mademoiselle, que je n’ai aucun regret de m’être donné à vous. Ma parole avant tout et je n’y ai jamais failli. Malgré ce qu’on a fait pour détourner nos projets, de votre côté comme du mien. Inutile de revenir sur les démarches, je vous en ferai un journal. Aussi, si je vous ai caché ces commérages, c’est pour vous éviter des ennuis. Nous nous quittons donc le cœur bien gros. Je vous le dis bien sincèrement et peut-être bientôt nos cœurs seront occupés par d’autres amants. Mais quelle séparation ! Qui aurait pu prévoir cette rupture le jour où je vous quittais au Vernet, dans l’espoir de nous posséder sous peu. Sûrement, ce qui m’a paru de tout temps une énigme, et heureusement que ma mère n’en sait rien, c’est la conduite de vos parents. Je n’y reviendrai pas de crainte de froisser leur amour-propre, mais je me rappellerai longtemps encore d’une de leurs réflexions dont vous m’aviez fait part dans une de vos lettres. Je me permets de vous dire que je garde d’eux un petit souvenir.
Vous pouvez donc leur obéir maintenant, prendre celui qu’ils vous offrent et de tout mon cœur, je vous souhaite beaucoup de bonheur. Je regrette beaucoup de vous avoir projeté le voyage à Gap. Je ne le faisais que dans un but de vous rappeler à mon souvenir, mais de crainte de vous porter préjudice, je n’irai pas. Malgré le vif désir que vous témoignez de conserver mes correspondances, je me vois forcé de refuser. Que dirait sous peu votre amant ?
L’essentiel est – et j’en suis satisfait – que vous ayez toujours un bon souvenir de moi, non pas comme un ancien amant, mais comme un ami sincère. Je suis toujours prêt à vous rendre service, vous n’aurez qu’à me faire part de vos desiderata.
C’est avec plaisir que je recevrai encore de vos nouvelles et en attendant,
Recevez, Mademoiselle, mes respectueuses salutations,

Léon


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