Episode 10

Maljasset, le 8 juillet 1906
Cher Léon,
Tout se précipite en cette fin d'année scolaire. Il me faut préparer mon départ de ce village si attachant, ranger ma classe, finir de corriger les cahiers et remplir les bulletins scolaires, participer avec les enfants à la fête du village, dire au-revoir à mes collègues et à mes voisins de la Haute-Vallée et organiser mon voyage jusqu'au Vernet.
Il me faut surtout te voir. L'été nous sourit et nos vingt et un ans nous offrent leurs bras. Mon cœur tressaille à te lire, mon corps danse, ma voix chante. Les odeurs de la terre, du torrent et de la montagne m'enivrent. Mes bras et mes jambes m'entraînent dans une valse sur l'herbe fraîche. Tu entends mon rire, tu es soudain près de moi. Je m'assieds sur le petit banc installé à l'abri du vent face aux sommets encore enneigés. Je ferme les yeux et je lézarde au soleil, profitant de la magie de ce moment. Es-tu encore avec moi ?
Quelle année ! Quelle fin d'année ! Ma gaieté cache mes inquiétudes, ma spontanéité masque mes silences, ma vivacité efface mes lourdeurs. Tu sais tout cela, n'est-ce pas ?
Il est temps que je me repose. Je ne quitterai pas le village tout de suite après la fin des classes. Je profiterai de ce lieu, toute seule pendant quelques jours pour me préparer à mon retour dans ma famille.
Quand nous verrons-nous ? A quand nos prochaines embrassades ?
A toi, avec toute mon affection, Marie

Le 16 Juillet 1906
Du 18 au 20 courant, je serai chez mon frère. Si vous tenez à m’écrire, voici ma nouvelle adresse : Léon I. en vacances chez son frère comptable à l’usine d’Electro-Chimie au Plan du Var, Alpes Maritimes.
Baiser, souvenir et amitiés, Léon
Mademoiselle,
Me voici depuis quelques jours en villégiature à Sigale par Roquesteron, Alpes Maritimes. Je pense y passer mes deux mois de vacances en attendant le départ pour mon service militaire. Pauvre piou-piou. La veille de mon départ, à tout hasard, j’ai appris de bonne source que quelques postes étaient vacants et que vous pouvez être assurée d’être placée à un poste permanent. On m’a appris – ceci sous toutes réserves – votre prochain mariage avec un Monsieur de Seyne que je n’ai pas l’honneur de connaître.
Si c’est affirmatif, ce n’est pas ce que vous m’aviez promis. Enfin, qui vivra, verra. Mes espérances seront–elles déçues ? J’ose espérer que vous saurez me le dire, n’est-ce pas, Mademoiselle ? Je vis toujours d’espoir et de souvenir.
Mes amitiés Léon

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