Cher
Léon,
J'ose
rompre le silence. Veuillez m'en excuser. Ne continuez pas votre
lecture si je vous contrarie. Votre lettre m'a, vous vous en doutez,
beaucoup secouée. Je l'ai relue une dizaine de fois depuis le jour
où le facteur me l'a apportée à l'école.
Au
moment où je vous écris, je suis encore très triste. Il m'est
arrivé d'imaginer qu'un jour ou l'autre, je recevrai une lettre de
rupture de votre part, étant donnée la situation infernale que nous
vivons. J'avais imaginé ce jour mais je l'avais toujours occulté.
Ce jour ne pourrait jamais arriver.
Je
suis désemparée. Peut-on effacer d'un seul coup de plume des
souvenirs pleins de tendresse et de complicité ? Non. Non.
Laissez-moi
le plaisir de vous écrire de temps en temps. Dites-moi si je
risquerais de froisser une personne de votre entourage ? Avec
mes plus affectueuses pensées, Marie
Le
12 novembre 1906
Mademoiselle
Marie,
Je reçois à l’instant votre carte et m’empresse de vous répondre par un souvenir de Banon. Pourquoi me demandez-vous si l’année prochaine vous pourrez vous adresser si librement ? Et si personne ne sera jaloux ? Avez-vous donc appris du nouveau ? Vous voulez un oui ou un non. Vos nouvelles me font toujours plaisir et je ne vois aucun inconvénient de correspondre avec vous. Si vous m’aimez toujours, comptez sur mon amour et veuillez me répondre par retour. Mes pensées et meilleur souvenir. Léon
Je reçois à l’instant votre carte et m’empresse de vous répondre par un souvenir de Banon. Pourquoi me demandez-vous si l’année prochaine vous pourrez vous adresser si librement ? Et si personne ne sera jaloux ? Avez-vous donc appris du nouveau ? Vous voulez un oui ou un non. Vos nouvelles me font toujours plaisir et je ne vois aucun inconvénient de correspondre avec vous. Si vous m’aimez toujours, comptez sur mon amour et veuillez me répondre par retour. Mes pensées et meilleur souvenir. Léon
J’ai
de la mauvaise encre sous la main. Veuillez m’excuser. Amitiés,
Léon
Le
15 novembre
Mon
cher Léon,
Je
suis si heureuse de votre petite carte. Je vous sens, là, présent
dans cette carte, à côté de moi, à nouveau. Je respire votre
encre. Je reconnais vos mots habituels. Non, je n'ai rien appris de
nouveau, malheureusement. Mais je vous aime et je ne veux pas
entendre autre chose que la voix de mon cœur. L'entendez-vous
aussi ? Je n'oublie rien de ce qui nous unit ni de ce qui nous a
rendus et nous rend heureux. Je garde dans un écrin toutes les
lettres que vous m'avez envoyées et dans mon cœur des tonnes de
souvenirs. Je ne jetterai rien, je n'effacerai rien. Et vous ?
Quels souvenirs vous reste-t-il en mémoire ? Cher Léon, je
vous embrasse tendrement, Marie
Le
2 décembre 1906
Cher
Léon,
C'est
une suite à ma précédente lettre. Votre lettre du 12 novembre me
livre des propos réconfortants et aimants qui me vont droit au
coeur. Ils m'encouragent à persévérer dans mon refus face à mon
père. Puisse mon père admettre que les sentiments que nous
partageons vont au-delà du projet qu'il forme pour moi et qu'il
l'abandonnera bientôt. Il ne peut plus ignorer ce qui nous lie.
C'est impossible.
Il
faut espérer et croire en notre bonne étoile et aussi tenir bon,
tous les deux malgré l'éloignement.
Restez
optimiste, je vous prie, en gardant en mémoire les meilleurs moments
que nous avons partagés.
Que
votre lettre d'octobre sombre dans l'oubli. Je ne veux jamais la
relire.
J'ai
hâte de vous embrasser.
Votre
amie, Marie
Le
15 décembre
Mademoiselle
Marie,
Vous me recommandez de garder toujours de vous un bon souvenir de votre cœur. Croyez que je n’y ai jamais failli et je ne puis me lasser de vous aimer. J’espère et je vous crois, que de votre côté, vous m’aimiez toujours. Mais nous serons-nous condamnés à vivre continuellement ainsi ? Chacun de notre côté, essayons une nouvelle tentative pour qu’enfin satisfaction nous soit donnée. Puisque vous irez à la Noël au Vernet, parlez-en de nouveau à votre père et dites-lui que vous préférez renoncer à tout autre projet que le vôtre. Je passerai les fêtes à Banon : elles seront bien tristes pour moi et c’est pour cette raison que je n’irai ni à Nice ni à Montélimar. Quelques amis du Lautharet me prient d’aller les voir à la Noël. Si vous reveniez quelques jours plus tôt à Costebelle, je me déciderai car j’irai pour vous. En effet, il me tarde de vous voir et de renouveler nos doux baisers que nous échangions à Pâques. Ecrivez-moi avant votre départ et dites-moi si vous partagez mon idée. Souvenir et baisers. Léon
Vous me recommandez de garder toujours de vous un bon souvenir de votre cœur. Croyez que je n’y ai jamais failli et je ne puis me lasser de vous aimer. J’espère et je vous crois, que de votre côté, vous m’aimiez toujours. Mais nous serons-nous condamnés à vivre continuellement ainsi ? Chacun de notre côté, essayons une nouvelle tentative pour qu’enfin satisfaction nous soit donnée. Puisque vous irez à la Noël au Vernet, parlez-en de nouveau à votre père et dites-lui que vous préférez renoncer à tout autre projet que le vôtre. Je passerai les fêtes à Banon : elles seront bien tristes pour moi et c’est pour cette raison que je n’irai ni à Nice ni à Montélimar. Quelques amis du Lautharet me prient d’aller les voir à la Noël. Si vous reveniez quelques jours plus tôt à Costebelle, je me déciderai car j’irai pour vous. En effet, il me tarde de vous voir et de renouveler nos doux baisers que nous échangions à Pâques. Ecrivez-moi avant votre départ et dites-moi si vous partagez mon idée. Souvenir et baisers. Léon
Le
21 décembre 1906
Léon,
mon cher Léon,
Oui,
je reviendrai le 28 ou le 29 décembre à Costebelle. Tu peux ainsi
répondre à l'invitation de tes amis du Lautharet. Nous nous
retrouverons quand tu veux et où tu veux. Quel bonheur en
perspective !
C'est
beau ici en cette saison. Tout est blanc immaculé. Le paysage baigne
dans un calme parfait et dans la douceur la plus pure. Les mots
harmonie et paix prennent sens. Souvent, j'admire de ma fenêtre ce
spectacle et je m'imprègne de sa beauté. C'est bon. Tu seras
heureux aussi.
Je
pars demain dans ma famille. J'emporte avec moi ta dernière carte.
Je la serre contre mon cœur. Dans une semaine, nous serons ensemble.
Enfin.
Adieu
nos soucis, nos familles et nos élèves ! Vive nos
retrouvailles ! Vive la nouvelle année !
Je
t'embrasse tendrement.
Marie
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